Élaboration de courbes de croissance néonatale canine et féline pour améliorer le suivi et la prise en charge des nouveau-nés
Une prise de poids optimale dans les premières semaines de vie est essentielle pour les nouveau-nés et est d’autant plus facile à suivre par l’éleveur et le vétérinaire praticien avec des courbes de croissance spécifiques.
Les toutes premières semaines de vie sont critiques pour chaque nouveau-né, quelle que soit l’espèce. À un stade très précoce, chaque gramme compte pour la survie. Il en va de même pour nos chiots et chatons. En même temps, une prise de poids trop importante ou trop rapide peut être préjudiciable à la santé future. Il est donc important de surveiller la croissance néonatale des chiens et des chats afin d’identifier les risques et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la morbidité/mortalité à court terme ou les effets négatifs à long terme.
Depuis quelques années, les vétérinaires peuvent se référer aux courbes de croissance pédiatriques pour surveiller la croissance des chiots et, plus récemment, des chatons, de plus de 3 mois. Néanmoins, les vétérinaires et les éleveurs manquent d’outil pour suivre et contrôler la croissance des chiots et des chatons au cours des premières semaines de leur vie, chez l’éleveur. Le poids à la naissance et la prise de poids précoce étant des facteurs critiques pour la survie des chiots et des chatons, les éleveurs ont besoin d’un outil simple et facile à utiliser pour suivre le poids de leurs animaux. En outre, comme les chiens et les chats présentent une grande diversité de tailles (races), des courbes de croissance néonatale des chiots et des chatons spécifiques à chaque race sont nécessaires.
Un taux élevé de mortalité néonatale
Malgré les efforts déployés pour fournir les meilleurs soins aux chiens et aux chats avec les dernières innovations médicales et nutritionnelles, la réalité est que près de 10 % des chiots (Chastant-Maillard et al., 2017) et 16 % des chatons (Fournier et al., 2017) mourront avant d’être sevrés.
La réalité est que près de 10 % des chiots et 16 % des chatons mourront avant d’être sevrés.
Sur la base des dernières recherches, il a été identifié que le poids à la naissance et la prise de poids précoce sont parmi les principaux facteurs de risque de mortalité précoce. Des études ont démontré que pour réduire le risque, le gain de poids entre la naissance et le deuxième jour de vie doit être positif (Mila et al., 2015), et vers le 10e au 12e jour, le poids à la naissance doit avoir doublé (Moon et al., 2001).
Au sein d’une même portée, une très grande variabilité du poids des chiots ou des chatons peut être observée. Des études ont montré que les chiots dont le poids à la naissance se situait dans le premier quartile étaient deux fois et demie plus à risque de mortalité précoce (Delebarre, 2014). Plusieurs facteurs sont connus pour avoir un impact sur le poids à la naissance, tels que la race, le sexe ou la taille de la portée elle-même (Mugnier et al., 2020). Cela signifie que les éleveurs doivent surveiller de près le poids corporel de leurs animaux, et ainsi avoir un moyen de suivre leur croissance et leur développement.
Une courbe unique conviendrait-elle à tous?
En raison de la diversité au sein de chaque espèce, il n’est pas possible de considérer une seule courbe de croissance : une pour les chiots et une pour les chatons. En effet, les schémas de croissance diffèrent dès le départ lorsque les animaux ne pèsent pas plus de 200 g. De plus, le poids à la naissance et la trajectoire de croissance peuvent être extrêmement variables d’une race à l’autre, même au sein d’une même catégorie de taille (adulte).
Dans l’étude menée par Mugnier et al. (2018) et Mugnier et al. (2019), plus de 19 000 chiots et 7 700 chatons provenant de plus de 400 élevages français ont été suivis pendant leurs deux premiers mois de vie et leur poids quotidien a été rapporté. La collecte de données a duré environ trois ans et demi.
Sur la base du suivi longitudinal de ces individus (au cours de leurs périodes néonatales et pédiatriques précoces), l’équipe de recherche a développé des courbes de croissance de référence pour s’adapter à chaque espèce, catégorie de taille, race (figure 1) et même sexe (figure 2) le cas échéant (les mâles étant plus robustes que les femelles).
Après un an de développement des modèles optimaux, les courbes de croissance de référence étaient prêtes à être validées.
FIGURE (1) Courbe de croissance néonatale de référence Royal Canin du Berger Australien
FIGURE (2) Courbe de croissance néonatale de référence Royal Canin du Maine Coon femelle (A) et male (B)
L’outil
L’équipe de recherche, aidée par des statisticiens, a alors commencé à développer des critères pour tirer le meilleur parti de ces courbes de croissance néonatale afin d’apporter une valeur ajoutée aux éleveurs et aux vétérinaires lors de leur utilisation. Actuellement, il existe des courbes de croissance néonatales de référence pour 119 races de chiens et 36 races de chats.
Avec le temps et les poids corporels quotidiens supplémentaires enregistrés dans la base de données, il sera possible non seulement d’augmenter le nombre de courbes de croissance spécifiques à la race, mais aussi d’affiner les courbes de croissance existantes : plus précisément, d’aller encore plus loin dans la segmentation (c’est-à-dire la variation géographique de la race ou la lignée de race spécifique), si cela est biologiquement pertinent.
Avec le temps et les poids corporels supplémentaires enregistrés dans la base de données, il sera possible non seulement d’augmenter le nombre de courbes de croissance spécifiques à une race, mais aussi d’inclure des variations géographiques de race ou une lignée de race spécifique.
Alors que les courbes de croissance pédiatriques existantes sont dites « standard » (basées sur le suivi des individus en bonne santé uniquement), ces nouvelles courbes de croissance néonatales sont dites de « références ». En effet, il s’agit d’une description factuelle de la croissance d’un groupe d’individus, comme l’a fait, par exemple, chez les enfants en 2002 les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Center for Disease Control and Prevention) (Kuczmarski et al., 2002).
Son utilisation
Les chiots et les chatons nouveau-nés ont une expression limitée des signes cliniques lorsqu’ils ne sont pas en bonne santé. Même avec une observation rigoureuse, il peut être difficile pour l’éleveur d’identifier un chiot qui ne tète pas assez (car l’animal peut être autour du mamelon mais ne pas téter activement) ou qui « se comporte » différemment en raison de douleurs, d’inconforts ou de pathologies. Le suivi du poids est un moyen indirect et très facile d’évaluer l’état de santé de l’animal.
La courbe de croissance néonatale peut être utilisée pour détecter les individus présentant des trajectoires de croissance anormales suggérant un risque plus élevé de mortalité. En effet, la trajectoire de croissance des individus décédés au cours de la première semaine de vie est clairement différente de celle de ceux qui survivront jusqu’au sevrage (Gaillard, 2022). En tant que tel, bien qu’il soit important de connaître le poids d’un individu spécifique, il est essentiel d’avoir un cadre validé pour comparer la valeur (soit au sein ou entre les portées, soit même entre les élevages). Les courbes de croissance (où les centiles sont représentés) sont un modèle validé pour déclarer le poids, et suivre la croissance et le développement des nouveau-nés. Tout écart de la trajectoire de croissance par rapport à la courbe de croissance de référence de la population doit amener à une surveillance plus étroite et être l’un des signaux (en plus d’autres signes cliniques) pour consulter le vétérinaire.
Tout écart du schéma de croissance par rapport à la courbe de croissance de référence de la population devrait favoriser une surveillance plus étroite.
À l’aide d’une nutrition (colostrum et/ou substitut de lait) et d’un programme d’alimentation adaptés, les professionnels seront en mesure de surveiller de près la prise de poids des patients et d’ajuster l’apport énergétique en conséquence. Lors de la visite chez le vétérinaire, l’anamnèse sera plus facile : avec la possibilité de jeter un coup d’œil non seulement à la courbe de croissance précoce de l’individu donné, mais aussi aux tendances de ses compagnons de portée.
Conclusion
La surveillance précoce de la prise de poids est essentielle pour les animaux domestiques. Les courbes de croissance néonatales de référence spécifiques à une race sont un outil simple et facile à utiliser, mis à la disposition des éleveurs, et des vétérinaires, pour suivre certains aspects de la santé des jeunes animaux. Le report quotidien ou biquotidien du poids permet de détecter rapidement une trajectoire de croissance anormale potentielle ou tout problème de santé ayant un impact direct ou indirect sur la prise de poids. Cet outil devrait être mis en œuvre dans la routine quotidienne pour aider les éleveurs à faire face au taux élevé de mortalité pré-sevrage qui est encore actuellement observé dans les élevages de chiens et chats.
Dr. Franck Péron
Start Of Life Scientific Specialist chez Royal Canin
Franck Péron, DVM, MSc, PhD, DipECAWBM (AWSEL), diplômé de l’École vétérinaire d’Alfort et spécialiste de la cognition et du bien-être animal, a obtenu son doctorat à l’université Paris Ouest. Après un court passage dans le domaine pharmaceutique, il a rejoint l’industrie de l’alimentation pour animaux et fait maintenant partie de l’équipe globale de recherche et développement de Royal Canin en tant que spécialiste scientifique Start of Life.
Cet article a été initialement publié sur le site Veterinary Practice en mars 2024. Vous pouvez lire la version en anglais ici.